
La vie quercynoise n°3795 du jeudi 9 août 2018
Qui suis-je ? Je suis multiple et pourtant je ne fais qu’un. Je suis ici et ailleurs tout en étant centré dans le Lot. Je peux changer de visage, de couleur, de tenue. Je suis au service d’une cause. Je m’appelle… Philae.
C’est l’histoire d’une personne discrète, qui ne tient pas à ce que l’on parle d’elle, et pourtant vu la chaîne de solidarité qu’elle met en place chaque année, elle mériterait qu’on s’y attarde un peu. Il y a 4 ans elle a été l’instigatrice d’un élan de générosité qui a dépassé les frontières lotoises. Des accros du crochet et de la laine participent en créant des poupées mascottes, du nom de Philae, qui sont remises en échange d’un don de 5 €. Cette action permet en moyenne de récolter 2 000 € qui se rajoute aux différentes actions de Phil’anthrope, association adhérente au projet. L’association reverse ensuite l’intégralité des dons à la recherche contre le cancer ou aux Ligues 46 et 82.
Une vraie Phil’anthropienne
Sophie Chevalier fait partie de ces gens qui se passionnent pour différentes activités avec passion, tout en désirant donner du sens à ce qu’ils font. Accro du crochet, artiste et talentueuse, par des créations originales de poupées crochetées, en 2016, elle propose à Emmanuelle Boyé, alors présidente de l’association Phil’anthrope, de mettre son savoir-faire au bénéfice de l’association, en vendant ces poupées.
Et voilà que la grande aventure des « poupées pour un espoir est lancée ». Afin de fédérer un maximum de personnes, Sophie Chevalier partage ce projet par le biais des réseaux sociaux. Elle crée une page « Une poupée pour un espoir » spécialement dédiée aux crocheteuses qui souhaitent s’investir dans ce projet. Le succès a été aussi grandiose que la chaîne de solidarité qui s’est construite à travers l’Europe, des quatre coins de la France et d’autres pays (Canada, DOM-TOM, Pays de Galles, Andorre, Suisse, Allemagne, Belgique, Espagne, États-Unis, Émirats Arabes Unis, Martinique…). De 30 personnes qu’elle pensait rassembler, c’est aujourd’hui plus de 400 membres qui œuvrent durant quelques mois pour concevoir les poupées qui sont à la vente durant les journées estivales, les mercredis et dimanches à Castelnau-Montratier et depuis cette année au centre commercial Leclerc de Pradines.
En 2017, la mascotte, Philae, naît de l’inspiration de ces petites mains qui ne manquent pas d’idées et d’implication. Alors évidemment le millésime 2018 ne pouvait être que meilleur.
Une chaîne de solidarité mondiale
Le petit village de Castelnau-Montratier, peut se targuer, du moins Sophie Chevalier par le biais de l’association Phil’anthrope, d’avoir créé une immense chaîne de solidarité, via le réseau Facebook. Les réseaux sociaux si souvent décriés peuvent servir parfois à de nobles causes.
L’élan insufflé par Sophie Chevalier et ses administratrices qui au cours de ces 3 années sont venues renforcer cette dynamique, a attiré dans son sillage une multitude de passionnées de crochet : débutantes, pros, intermédiaire, avertie, mordue… le groupe accepte tout le monde, même les garçons, histoire de faire un pied de nez aux a priori. Pas de jugement de valeurs. D’une voix unanime « une poupée pour un espoir » respire la convivialité, la solidarité, la bienveillance qui sont un baume pour les crocheteuses qui elles-mêmes sont touchées par ce fléau, ou des proches ou tout simplement qui s’investissent par conviction.
Cette page est surtout pour beaucoup un lieu où on échange des conseils, des modèles, des idées mais aussi où l’on peut se confier, chercher un soutien. C’est un havre de paix, une bouffée d’oxygène pour les crocheteuses du monde entier. Et en 4 ans d’existence, la vague de solidarité s’est étoffée.

Les crochcopines
Toutes du fait de l’éloignement de la France ne peuvent envoyer leurs poupées qui sont ensuite vendues sur les marchés. Alors certaines essaiment à leur façon dans des actions similaires autour d’elle : des pieuvres pour des nouveau-nés prématurés, des jouets tricotés distribués pour des enfants hospitalisés…
Témoignages
Comprendre comment autant de personnes adhèrent à une action qui se passe dans un petit village, comment l’association peut avoir autant de soutien, nous leur avons demandé leurs motivations. Interrogées sur ce qui les inspire dans ce projet, quelques-unes ont exprimé leur ressenti. Ainsi Audrey parle de son expérience : « En maison de retraite, j’ai accompagné des personnes âgées qui apprenaient le retour d’un cancer déjà combattu une, deux, trois fois ou plus. J’ai compris à quel point il était important pour ces gens, pour les proches, de pouvoir parler de ces moments pénibles. En parler avec d’autres personnes ayant traversé les mêmes périodes de doute, d’angoisse. Pouvoir s’exprimer librement sans avoir peur d’être jugé. Lorsque je vois passer quelques témoignages sur le groupe, je me dis que c’est une bonne chose. Partager son vécu, son ressenti avec des gens qui sont dans une situation similaire peut beaucoup aider, soulager ».
Catherine, une des administratrices du groupe, s’exprime : « Ce qui me passionne dans cette aventure, c‘est le fait de donner une réalisation qui m’a demandée du temps, parfois des jours, qui va aussi être admirée et parfois choyée mais qui va faire rêver. C’est un peu de nous qui part avec ces poupées façonnées sous nos doigts, qui va être vendue pour une somme modique loin de refléter le temps passé mais qui va transmettre tout notre amour pour cet art ». Et Katia de surenchérir : « Un peu d’amour, un peu de temps, un peu de réconfort. Ma famille n’est pas touchée alors mes pépettes, je les remplis d’amour et de courage pour celles et ceux qui n’ont pas cette chance ».
Toutes parlent très sincèrement, librement de ce qui les anime avec une lucidité qui force l’admiration.
La logistique
Toutes ces poupées du monde entier sont reçues par Fabienne Valmary, de l’association Phil’anthrope, qui est impressionnée par l’implication du groupe. « Je n’imaginais pas que ça puisse être aussi important. Quand je reçois les cartons, ce qui me fascine en premier, c’est que ça arrive de partout. Chaque colis est accompagné d’un mot, d’un témoignage souvent poignant, parfois pudique. Il existe beaucoup de compassion, de bienveillance qui lient et sensibilisent tout le monde. Sur cette grande toile virtuelle ce sont une multitudes d’histoires multiples qui se déroulent. »
Tout simplement, une belle histoire d’amitié qui se tisse au fil des ans pour combattre une cause commune.
MARIE-FRANÇOISE PLAGÈS