Médidalot mercredi 9 décembre 2020, Actu Lot / La vie quercynoise n°3918 du jeudi 17 décembre 2020
L’association Philanthrope à Castelnau-Montratier dans le Lot et sa journée Bonheur contre le cancer existent déjà depuis 6 ans et rendent hommage à son fondateur Philippe Boyé.
©Marie-Françoise Plagès
Le 14 décembre 2020, cela fera 5 ans que Philippe Boyé est parti (14 décembre 2015). Il aura de part sa personnalité, son enthousiasme et son sourire sû rassembler et fédérer des gens de tous horizons pour « dédramatiser » un mal qui touche beaucoup de personnes : le cancer. Avec Phil’anthrope et la journée « Bonheur contre le cancer » qu’il lance en 2014 à Castelnau-Montratier dans le Lot, épaulé par sa femme Emmanuelle et son fils Tom, c’est toute une association de bénévoles, de partenaires et d’acteurs locaux qui répondent présents avec un objectif : tous se mobiliser pour que le cancer ne soit plus un sujet tabou.
D’ailleurs Emmanuelle Boyé témoigne avec force de conviction et toujours beaucoup d’émotion dans la voix.
« C’est vraiment la maladie de Philippe, le fait de se trouver désemparé face au cancer et aux différentes questions que l’on se posait que j’ai décidé de créer l’association. Phil’anthrope est le reflet d’une grande histoire d’amour qui s’est construite à trois : Philippe, Tom notre fils et moi. L’association nous donnait un objectif à chacun : à Philippe pour qu’il s’accroche, qu’il trouve une respiration ailleurs qu’à l’hôpital et à moi en tant qu’aidant cela me donnait un but. Les aidants sont souvent ceux qui se débattent dans l’ombre, ceux qui s’effacent mais auprès de Philippe notre amour en est ressorti plus fort. Ces 3 ans 1/2 de lutte avec le cancer a renforcé notre lien. Nous nous sommes aimés terriblement et la maladie nous a montré qu’on était plus fort. Nous avons gardé que l’essentiel et c’est cela qui a donné naissance à Phil’anthrope. Philippe a sû ensuite fédérer tout le monde. Sans les bénévoles, sans l’aura de Philippe l’association n’aurait pas marché».
Ainsi est née la « Journée bonheur contre le cancer » à Castelnau-Montratier.
L’idée première étant, qu’autour de différentes activités sportives, culturelles, festives et une conférence animée par des chercheurs, docteurs, infirmiers et intervenants auprès de personnes touchées par le cancer, la journée « bonheur contre le cancer » soit un point de rencontre et d’échanges conviviaux.
En même temps des fonds sont récoltés à destination de la recherche et des Ligues contre le cancer 46 et 82. Chaque année l’action est largement suivie et aujourd’hui elle rayonne bien au-delà des frontières lotoises stimulant également d’autres initiatives.

35000 € de dons en 2020
Depuis le départ de Philippe Boyé, l’association perdure dans ces différentes actions. Si 2020 aura été une année blanche cela a permis quand même de remettre en novembre : 10000 € à l’Oncopole à Toulouse, 10000 € à l’hôpital Gustave Roussy pour le service pédiatrie, 9000 € à la Ligue contre le cancer 46 et 6000 € à la Ligue 82.
À l’instar de la personnalité de Philippe Boyé, un personnage est toujours en toile de fonds et joue un rôle essentiel pour l’association Phil’anthrope : le chercheur Gwénaël Ferron.
Aujourd’hui nous lui donnons la parole afin d’exprimer les souvenirs qu’il garde de Philippe, qu’il a suivi avec toute son équipe pendant 3 ans, de l’action Phil’anthrope et des avancées en matière de recherche sur le cancer.
Rencontre avec chercheur Gwénaël Ferron

Quelle image gardez-vous de Philippe Boyé ?
Gwenaël Ferron : Déjà 5 ans, qu’il est parti ! Je me souviens de cette petite chapelle de Divillac, de cette foule immense. Nous étions présents ce jour-là avec toute l’équipe qui l’avait accompagné durant ces années où il a fait face à la maladie. C’est une image radieuse que je garde en tête : un Philippe rigolant, souriant, marrant, prêt à communiquer sa joie de vivre. J’ai le souvenir d’un visage qui s’éclaire lorsqu’il avait organisé la 1re journée de Bonheur contre le cancer. Il était heureux que tout se déroule bien. Il ne montrait pas la moindre angoisse.
Quel regard portez-vous sur l’intérêt à vouloir informer, échanger, à démocratiser le cancer ?
G. F. : Plusieurs axes sont importants pour arriver à parler du cancer.
Une première chose c’est l’importance de ces conférences publiques qui sont faites chaque année au sein de Phil’anthrope. De voir cette salle des fêtes bondée de personnes souhaitant parler et évoquer des sujets intimes, j’ai trouvé que c’était quelque chose d’extrêmement fort. Ce n’est pas facile de témoigner devant tout le monde. Je pense que c’est une des premières étapes que souhaitait Philippe, que les gens ne voient pas le cancer comme une maladie honteuse et soient capables d’en parler.
Deuxième chose : vous vivez dans un milieu rural dans lequel on est passé en l’espace d’une vingtaine d’années, du bien être à vivre dans la nature au stress de vivre dans un environnement dans lequel il y a des pesticides et des produits dangereux. Cette conversation je l’ai eu souvent avec Philippe parce qu’il utilisait certains produits dans son travail. Il se posait la question de savoir si son cancer avait un lien avec sa maladie. La réponse que l’on peut dire, cinq ans après : probablement. Plusieurs études viennent d’être publiées montrant que les agriculteurs sont beaucoup plus à risque que les urbains pour certains cancers et lymphomes. Cette situation touche tout le territoire. D’ailleurs au cours des conférences il y a eut beaucoup de questionnements sur ce sujet.
Comment percevez-vous l’essaimage de Phil’anthrope et des actions qui se développent autour ?
G. F. : C’est dans la logique de ce que souhaitait Philippe. Je vais employer un mot un peu paradoxal, cette « journée bonheur contre le cancer » fait « des métastases » en divers lieux où il existe la même façon d’aborder le sujet du cancer, la même ouverture pour parler de cette maladie. Le fait d’avoir d’autres actions prouve qu’il y a une demande et que les gens sont interpelés.
Grâce à la mobilisation de tous (associations, bénévoles…) vous avez souligné que Phil’anthrope depuis le début avait donné à la recherche pour l’Oncopole la somme de 165 000 €. Souhaitez-vous faire passer un message en particulier à toutes ces personnes qui se mobilisent ?
G. F. : La somme de 165 000 € récoltée en 5 ans par Phil’anthrope, représente un financement clinique que l’on peut avoir sur un gros projet de recherche complet. Les donateurs de Phil’anthrope à eux-seuls sont capables d’amener autant d’argent qu’un projet de recherche clinique (qui tourne aux environs de 200 000 €). Ce n’est pas une somme ridicule.
Ces fonds permettent de financer des preuves de concept. Par exemple, on a une idée et avant d’aller demander de l’argent public il faut que l’on ait « des preuves », sorte de travaux préliminaires. Et une fois qu’elles sont établies nous pouvons aller chercher des financements plus conséquents. Il faut que les donateurs, les bénévoles et les gens de l’association soient fiers de cette action.
Sur quels travaux avez-vous travaillé en 2019 ?
G. F. : Les dons ont permis d’établir un modèle pour une tumeur rare. Grâce aux dons on a pu démontrer que l’on pouvait recréer cette tumeur en fusionnant deux cellules. Nous avons refabriqué en laboratoire cette tumeur. Ce modèle en laboratoire permet d’évaluer de nouveaux mécanismes, de nouveaux médicaments, de rechercher de nouvelles cibles pour que les médicaments agissent sur cette tumeur.
Le petit mot de la fin ?
G. F. : J’aimerais évoquer un souvenir : la première journée de « Bonheur contre le cancer » en août 2014. En venant je m’attendais à avoir une réunion avec 50 personnes et en fait je suis tombé dans un village entièrement engagé dans cette démarche. C’était impressionnant. Faire des conférences face à plus de 500 personnes même dans les grandes villes, ça n’arrive jamais. Cela donne une vraie image de ce qu’est la solidarité, la fraternité dans un village.
Phil’anthrope et ses différentes actions sur le territoire
En mai 2015, Delphine Poteau de Camburat, s’est ralliée à la cause de Phil’anthrope. Dans son sillage Delphine a embarqué toute une équipe d’une quarantaine de bénévoles, et la municipalité en créant « Un village contre le cancer ». Cet événement se réitère chaque année au mois de mai. Tous les bénéfices de la journée sont reversées à Phil’anthrope.
2016 entrée en piste des crocheteuses, façon réseaux sociaux avec le groupe « Une poupée pour un espoir ». Sophie Chevalier, qui est à l’initiative des « crochcopines » a rassemblé plus de 300 personnes de France et d’Europe. Chacune réalise des poupées vendues ensuite sur les marchés durant l’été à Castelnau au profit de Phil’anthrope.
2019, un couple du Gard tenant une ferme pédagogique rejoint l’équipe Phil’anthrope. Le mari, Claude atteint d’un cancer souhaite se rallier à la cause de Phil’anthrope. En avril 2020, sa maladie aura eu raison de lui. Au sein de leur structure ils ont vendus des créations artisanales en tissus et laines dont tous les bénéfices ont été versés à Phil’Anthrope.
Une nouvelle présidence pour Phil’anthrope
Béatrice Ruaux est la nouvelle présidente de l’association Phil’anthrope. Elle est dans l’aventure philanthropienne depuis le début. En cette année 2020 elle se désole de la situation actuelle « malheureusement pour Phil’anthrope c’est une année blanche. J’espère que 2021 annoncera la reprise des journées contre le cancer. Et nous pouvons compter sur l’aide de nos bénévoles, sponsors et partenaires pour réaliser cette journée conviviale ». Béatrice Ruaux garde toujours en mémoire une image de Philippe reflétant « un regard pétillant et un sourire charmeur ».