La vie quercynoise n°3746 du jeudi 31 août 2017

Le Dr Gwénaël Ferron, chirurgien oncologue spécialisé dans les formes de cancer rares comme celui du péritoine, est un fervent soutien de l’association Phil’anthrope depuis ses débuts. À l’origine de l’association, la famille Boyé : Emmanuelle, Tom et Philippe Boyé dont on connaît le caractère jovial, social, combatif et sympathique. Il a su tisser des liens amicaux avec ce docteur malgré le cancer avec lequel Philippe a lutté jusqu’au bout. Gwénaël Ferron accorde beaucoup d’importance à la démarche de vulgarisation, d’information, de prévention en matière de cancer c’est la raison pour laquelle il est présent à chaque édition d’une « journée bonheur contre le cancer » auprès d’autres docteurs et chercheurs pour la conférence, qui est suivi depuis la 1ère édition par en moyenne 400 à 500 personnes.
Qu’est-ce qui vous a touché chez la famille Boyé pour vous lancer dans cette grande aventure de Phil’anthrope ?
J’ai rencontré Philippe, pour la première fois, quand il est venu consulter pour une prise en charge de recours. C’est une situation difficile qui nécessite une technologie et un savoir faire un peu particulier spécialement dans le cadre de sa pathologie. Et quand on prend en charge des patients dans le cadre d’une situation de recours ou d’un traitement de recours d’un cancer c’est toujours des parcours longs. Ce n’est pas qu’un épisode. Cela ne s’arrête pas à la consultation ou à l’intervention. Quand on est en chirurgie et qu’on est cancérologue le parcours s’échelonne sur les traitements lors des récidives et jusqu’à la fin de vie des patients. Dès le 1ère édition Philippe m’a proposé de venir faire une conférence avec une partie de l’équipe de l’institut c’était tout naturel d’accepter.
Lors de la 1ère conférence vous avez confié être surpris par le nombre de personnes présentes, du sérieux et de l’écoute. Aujourd’hui qu’elle est votre ressenti ?
Le nombre de personnes présentes à chaque édition est lié à deux choses. En premier à la personnalité de Philippe. Il est certain qu’il a mobilisé, dynamisé, fait participer les gens à cette journée très importante pour lui. Ensuite on discerne bien l’esprit de village au sein de cette communauté. Le dynamisme de Philippe et cet esprit communautaire font que les conférences comme celles que nous faisons attirent beaucoup de monde.
Est-il juste de dire que les gens sont plus touchés par le cancer aujourd’hui ?
Oui et non. De nos jours l’espérance de vie est telle que tous les ans on gagne 3 mois et la qualité de vie en Europe y fait beaucoup. C’est énorme. Par exemple, Napoléon Bonaparte a pris la tête de la république à l’âge de 35 ans, c’était l’âge où les gens mourraient à cette époque-là. Alors que maintenant l’échelle est nettement différente, 35 ans désormais c’est quelqu’un de jeune. C’est certain il y a des gens qui meurent beaucoup plus jeune comme Philippe et puis il y a des gens plus âgés, plus en forme. Mais en fait il existe beaucoup de cancer parce que c’est lié au vieillissement de la population, c’est normal d’avoir plus de cancer. Avec le vieillissement on va accuser des anomalies qui vont aboutir à des cancers. Et si certains sont des cancers incurables, c’est un grand sujet de débat. À savoir si on me fait des prélèvements aujourd’hui, il y a 25 % de chance qu’on me trouve un cancer donc je vis avec lui. Notre métier à nous quand le cancer nous touche c’est de faire des traitements pour lesquels on ne va peut-être pas guérir le cancer mais de permettre aux personnes d’avoir une vie normale.
Le fait qu’une partie du corps médical et de la recherche se déplace en terrain neutre permet plus facilement à la parole de se libérer lors des conférences ?
Un des éléments pour aider les gens à parler est lié à l’organisation de cette conférence où les gens ne posent pas de question directement. Ils écrivent sur des papiers avec leurs mots des questions extrêmement précises, parfois dérangeantes. Alors c’est plus simple que ce soit quelqu’un d’autre qui pose la question. C’est pour eux est un élément important. Il n’y a pas le frein de savoir ce que va penser la personne qui est à côté. Ça permet de dépersonnaliser certaines questions.
D’où l’importance de ces rencontres lors de manifestation autour de la thématique du cancer ?
Notre rôle en tant que cliniciens ou chercheurs est aussi de faire des conférences publiques. Nous en faisons moins dans les grandes villes car elles ont très peu de succès. Et quand on est chercheur et qu’on a besoin de fonds pour la recherche, il est nécessaire de participer à des conférences, c’est aussi bénéfique pour nous. C’est un bel exercice, pour Augustin le Naour qui est un jeune chercheur, ça lui apprend à parler en public, d’apprendre à communiquer sans les mots scientifiques. La vulgarisation d’un travail de rechercher scientifique est très importante. D’ailleurs il va participer à un concours « ma thèse en 180 secondes » qui permet de présenter un sujet de recherche à un auditoire profane et diversifié en 3 minutes.
Quel est votre souvenir le plus marquant de ces journées ?
C’est l’engouement des gens pour la conférence. Ces gens participent et après la conférence, ils viennent nous voir, nous parler de quelqu’un, de leur entourage, tout cela fait partie des moments importants. Ça montre que l’on a su être suffisamment proche d’eux, surtout lorsqu’ils viennent se confier.