La vie quercynoise n°3587 du jeudi 14 août 2014
MARIE-FRANÇOISE PLAGÈS
Le cancer, un mot terrible qui nous fait terriblement peur lorsqu’il nous touche.Que connaissons-nous vraiment de cette maladie, comment vivre avec ? Les relations entre les malades, les proches, les amis, les collègues, les connaissances deviennent parfois compliquées car il reste très souvent un sujet tabou. La gêne qu’il occasionne dès que le sujet est abordé le démontre bien. Cela influe sur le comportement de chacun. Alors que faire pour essayer de pouvoir mieux appréhender « cet ennemi » ? Voilà les questions que s’est posé Emmanuelle Boyé quand elle a appris le cancer de son mari Philippe, qui s’est déclaré en juin 2012. Mais pour cette famille bien soudée il était hors de question de baisser les bras. En créant une association, l’idée de consacrer une journée autour du cancer, en rassemblant et en impliquant, le corps médical, les associations locales, les communes du canton, les élus, les différentes institutions, sur Castelnau-Montratier a germé, et a pris forme sous l’impulsion d’Emmanuelle. La journée « Le bonheur contre le cancer » se profilait.
Association « Phil-anthrope »
C’est le 8 mars 2014, quelque temps après où Emmanuelle et Tom (leur fils) ont appris que Philippe avait contracté un cancer que l’association se créée.Les objectifs sont clairs :
- récolter des fonds en faveur de la « ligue contre le cancer »
- informer la population sur le cancer : d’un point de vue médical, du point de vue du patient et de ses accompagnants, des différents intervenants afin de dédramatiser, désacraliser et d’humaniser. Faire un point sur la recherche et les différents traitements à venir.
- offrir une journée de partage, de loisirs, de bonheur… le meilleur moyen de lutter.
- donner une nouvelle occasion aux corps médical de se rencontrer et de partager sur les différentes expériences. Les uns en tant que spécialistes, les autres en tant que généralistes.
Il ne manquait plus qu’à fédérer le canton de Castelnau-Montratier et les associations autour de ces objectifs pour organiser un événement d’envergure qui se déroulerait sur toute une journée. La mobilisation s’est faite instinctivement, certaines associations qui avaient entendu parler du projet se sont proposées spontanément ou se sont rattachées en cours de route, pouvant ainsi soumettre plusieurs activités et animations. Il est à souligner que les personnes qui sont dans l’organisation se sont senties très impliquées. Depuis cette manifestation prend toute sa dimension. Après plusieurs mois, après des réunions pour l’organisation, l’association est à même de voir se concrétiser cet événement exceptionnel.

Au programme
- Activités sports et loisirs de 8h à 16h.
- Rassemblement à partir de 8h sur le foirail : course à pieds, cyclisme, randonnée (une boucle de 5 km, une de 9 km). Rassemblement à 9h : rugby et football (terrains de Maussure), hand et basket au gymnase, pétanque amicale en doublette place Gambetta, belote à la salle de la mairie (4 parties : deux le matin et deux l’après-midi), scrabble à la salle du Bel âge. Inscription à 9 h 30 : natation à la piscine et tennis à la maison des jeunes.
- Toute la journée : marché de producteurs et produits artisanaux, spectacle pour enfants de 18 mois à 3 ans (plusieurs représentations dans la journée) place du foirail.
- Toute la journée : ateliers coiffage bandeaux.
- 12h : pique-nique / 5 euros le panier-repas.
- 16 h 30 : remise des prix.
- Démonstration country à partir de 17 heures.
- Intermède musical à partir de 17 h 30.
- 18h : Conférence dans la salle des fêtes, en présence de professionnels de santé et du corps médical du Cancéropole de Toulouse.
- À partir de 19 h 30 : repas (adultes : 15 euros) (enfants : 8 euros).
- Grande soirée dansante gratuite avec le fameux groupe « Backstage »
- Inscriptions avant le 23 août au : 05 65 21 82 99 / 06 78 35 48 48
Conférence : le corps médical présent
La conférence prévue en fin d’après-midi s’articulera autour de docteurs et de professeurs du corps médical, spécialisés en cancérologie, avec comme intervenant le docteur Gwenaël Ferron, chirurgien oncologue, coordinateur du comité d’organe à l’institut Regaud à Toulouse. Il est praticien spécialiste des Centres de Lutte contre le Cancer, membre d’équipes de recherche avec les professeurs : Bugat, Chatelut, Delord, médecin coordinateur du comité d’organe « onco-gynécologie », coordonnateur des maladies rares du péritoine et animateur du groupe onco-gynécologie du réseau Oncomip.À la table de conférence, il y aura aussi le professeur Jean-Pierre Delord, responsable médico-scientifique à l’ICR (Institut Claudius Rigaud) à Toulouse, Mme Chantal Gosselin, infirmière en chef du service de chirurgie à l’ICR ainsi que son équipe d’aides soignantes et d’infirmières, le docteur Pouymayou, anesthésiste, le docteur Walter Bertolaso, chirurgien oncologue et cancérologue à la clinique du Pont des Chaumes (Montauban).Seront présents pour assurer leur soutien à l’association : les infirmières des soins continus, psychologue, pédopsychiatre, les médecins généralistes ainsi que les infirmiers et infirmières libérales de Castelnau-Montratier, les laboratoires d’analyse, les représentants de l’unité de HAD (hospitalisation à domicile), la « ligue contre le cancer » du Lot.Les différents sujets abordés seront entre autre : Comment définir la maladie, doit-on dire toute la vérité au malade ? Quels sont les examens permettant de détecter un cancer ? Définition d’un protocole ? Expliquer les différents traitements et leurs spécificités. Quels sont les différents moyens mis en place pour calmer les souffrances du malade ? Où en est la recherche ? Le rôle de la « ligue contre le cancer »
Témoignage d’Emmanuelle
Sommes-nous seuls face à la maladie ?Emmanuelle se rappelle : « Nous nous sommes rendus compte qu’il fallait oser s’informer, qu’il ne suffisait pas de subir les traitements mais les comprendre. Comprendre le fonctionnement de la maladie… comprendre le milieu médical… comprendre comment cela fonctionne… On croit tout savoir sur le cancer et quand on est dedans ce n’est pas le cas. Pour mon mari, c’est un cancer qui pour l’instant ne se soigne pas. On ne sait pas le soigner il fait partie des patients qui ont une forme de « cancer chronique » qui oblige d’enchaîner les protocoles… L’idée des médecins c’est de le maintenir le plus longtemps possible de manière à trouver un protocole qui puisse réussir… c’est quelqu’un de solide mon mari, qui travaille malgré tout ». La découverte du monde médical face à cette maladie n’a pas été évidente : « Philippe a eu une première opération avec 6 mois de chimio au pont des Chaumes. C’est là qu’on a commencé à connaître le monde médical… et on s’est rendu compte que c’était compliqué. Et quand j’ai posé la question un jour « Et après la chimio il y a quoi, est-ce que c’est fini ? » Ils ont répondu : «… Mme c’est extrêmement grave ce qu’à votre mari » et puis j’ai senti que tout devenait flou. Donc on est parti à Toulouse. Là ils nous ont parlé de la Chip (chimio-hyperthermie intra-péritonéale). Ça fait partie des nouvelles technologies… C’est la ligue contre le cancer qui a payé la machine qui permet cette opération. Sans la Ligue il n’y aurait pas eu cette chip. » C’est une intervention chirurgicale lourde, effectué avec des machines coûteuses : «…et c’est bien ce que nous a dit le docteur Ferron (chirurgien oncologue) « qu’on soit bien clair les hôpitaux ne peuvent plus se payer ces machines ». C’est pour cette raison qu’il y en a très peu en France et du coup aussi très peu d’opérations de ce type là ».Emmanuelle ne peut témoigner que ça reconnaissance : « c’est grâce au fond de la Ligue contre le cancer que nous avons pu avoir accès à cette opération. Tout en sachant que s’il n’y avait pas eu cette chip, Philippe serait peut-être mort dans l’année. Ça a été un électrochoc pour nous. On s’est dit « Il faut faire quelque chose, il faut récolter des dons… Il faudrait qu’il y ait une masse d’argent mais aussi que les gens soit informés. Et puis il y a eu le décès de Philippe Apchié qui nous a beaucoup touchés… il avait 47 ans… il est parti très vite… Dans les campagnes quand on parle, on a l’impression de gêner un petit peu, ça reste un sujet tabou… donc cette action prenait toute son importance et on voulait montrer qu’on peut vivre avec le cancer ».Avec l’idée de créer une association et de faire une journée événementielle autour du cancer, il fallait que le corps médical puisse répondre présent pour que cette action ait tout son sens, Emmanuelle a donc « demandé aux chirurgiens s’ils acceptaient de venir faire une conférence. Ils ont accepté. Ce sont des personnes qui sont très pris par leur métier mais tout de suite ils ont dit oui. Pour plusieurs raisons. Tout d’abord ce sont des humanistes, ils ont tissé des liens avec leurs malades. Et c’est ce qu’ils ont fait avec Philippe… ils sont très proches des malades. Les anesthésistes s’occupent de tout ce qui est souffrance donc c’étaient essentiel qu’ils viennent eux-aussi. Les aides-soignantes sont importantes car elles s’occupent d’apporter une grande aide morale. Finalement on a invité tout le service médical. »Tous les bénéfices de cette journée seront reversés pour la moitié à la « Ligue contre le cancer » pour l’acquisition de matériel pour les services d’oncologie dans tous les hôpitaux du Lot et l’autre moitié à la Recherche directement versé à l’Oncopole de Toulouse. Si Emmanuelle a choisi de donner à la ligue du Lot c’est qu’elle tient que les patients puissent avoir des soins spécifiques proche de chez eux : «… on aimerait que l’hôpital de Cahors puisse investir dans du matériel spécifique, pour les opérations, pour les chimio… c’est aussi pour qu’il y ait plus de proximité… »Emmanuelle tient surtout à ce que cette journée soit festive.
M.-F. Plagès-Shestopalov